Turin 14 Mars 2015 - Ouverture de la session du TPP sur les atteintes aux droits liés aux GPII (grands projets inutiles et imposés)
Le groupe GPII de la Coordination des organisations opposantes au projet d'aéroport de Notre Dame des Landes s'est associé au mouvement italien No-Tav (opposé à la LGV Lyon-Turin) et à d'autres mouvements contre des GPII, dans une démarche totalement nouvelle dans la lutte, et particulièrement audacieuse et innovante. Il s'est en effet présenté devant le Tribunal Permanent des Peuples (TPP) au sujet des atteintes aux droits que nous vivons depuis des années à Notre Dame des Landes (droits démocratiques des citoyens, droit au respect de leur environnement).
Les différents collectifs ont constitué chacun un dossier élaboré selon le même plan, pour déposer leur « plainte », plainte déjà longuement instruite, et qui a été jugée recevable.
Le Tribunal Permanent des Peuples organise donc une session sur les atteintes aux droits, dont la séance inaugurale a eu lieu à Turin ce 14 mars 2015, avec une audition générale, pour Notre-Dame-des-Landes et le mouvement No-Tav. Sous la présidence de Franco Ippolito (Italie), Mireille Fanon Mendès-France étant l'un des juges. D'autres rendez-vous suivront.
Samedi matin, ouverture « solennelle » de la session du TPP, avec la première séance le matin (9h30-13h30 sans la moindre pause !) dans la salle « aula magna » de l'Université de Turin : au programme des « leçons » sur le TPP, assez universitaires et juridiques, mais bien nécessaires, avant les premiers comptes-rendus de luttes ou de résistance, venues ensuite, et l’après-midi.
Le TPP, un tribunal d’opinion, et non pas de pouvoir
Luis Moita a repris en ouverture les propos de Jean-Paul Sartre, co-fondateur du Tribunal Russel, (également appelé Tribunal international des crimes de guerre et Tribunal Russell-Sartre, tribunal d’opinion fondé par Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre en novembre 1966), « Nous ne sommes pas là pour juger ou punir, nous sommes là pour révéler et libérer les sociétés opprimées » Le Tribunal Russel 1 s’est saisi des crimes de guerre commis au Vietnam, Russell 2 des violations des droits humains au Chili...Le Tribunal Permanent des Peuples, tribunal d'opinion fondé juin 1979 à Bologne, (Italie) à l’initiative du sénateur et théoricien italien Lelio Basso est un organe de la Fondation du même nom, qui assure la transmission la transmission des verdicts.
Le TTP s’appuie sur la déclaration universelle des droits des peuples (Alger, 1976) (http://www.axl.cefan.ulaval.ca/afrique/Algerie-declaration-1976.htm) ainsi que sur tous les instruments de droit international et se donne pour mission de dénoncer, sous une forme juridique, les actes ayant porté atteinte aux droits des peuples. Il part d’un constat : dans de nombreuses circonstances, le droit et la justice ne peuvent être confiés à l’État et à ses organes, pas plus qu’à des instances internationales où entreraient en jeu des obligations de type diplomatique.
Depuis 35 ans, des sessions se sont occupées des droits des populations en Argentine, Philippines, au Mexique, au Brésil, au Nicaragua..., crimes contre l'humanité en Amérique latine plus récemment (à partir des années 90), de désastres industriels et environnementaux, Bhopal, Tchernobyl... (Voir http://www.algerie-tpp.org/tpp/presentation/annexe_2.htm).
Le TPP a été intéressé à répondre à la « plainte » sur les violations des droits relatifs aux GPII car c’est la première session concernant le viol de droits de populations vivant en Europe : car jusqu’ici, des sessions ont concerné des pays du Sud, et aussi des pays du Nord, par leurs multinationales et par leurs états : par exemple la session sur les mines au Canada, s’intéresse au rôle et à la responsabilité de deux catégories d’acteurs dans les atteintes aux droits : les entreprises minières et les organes de l’État canadien qui contribuent au déploiement de l’industrie via divers mécanismes politiques et économiques -durée prévue 2014-2016 -(voir http://www.tppcanada.org/ 75% des entreprises minières sont déclarées au Canada, et c’est une société canadienne qui est impliquée dans le projet de mine d'or de Rosia Montana).
Livio Pepino, ex magistrat et président du Controsservatorio Valsusa (membre du mouvement No-tav), explique que nous vivons en Europe « une situation néocoloniale » en ceci que les grands travaux sont décidés sans l'accord des citoyens. Alors que la démocratie peut être une alternative au terrorisme.
« A l’époque romaine, il était possible pour un simple citoyen (et à plus forte raison pour un groupe) d'agir en justice contre le gouvernement au nom de l'intérêt général. C'est aussi prévu dans la constitution du Brésil, de la Bolivie, de la Colombie. Pas en Italie, ou une jurisprudence administrative formaliste et anachronique continue à considérer comme illégitime l'action en justice d'un citoyen qui n'a pas un intérêt personnel de caractère économique. Pas en Europe, malgré l'existence de la Cour des droits de l'Homme. Et la Cour Pénale Internationale a explicitement exclu de ses compétences les crimes économiques. ». Le droit pénal des états défend les droits économiques, tandis que les multinationales deviennent de plus en plus les 'régulateurs » de l’économie, et non pas les états.
« A l’époque romaine, il était possible pour un simple citoyen (et à plus forte raison pour un groupe) d'agir en justice contre le gouvernement au nom de l'intérêt général. C'est aussi prévu dans la constitution du Brésil, de la Bolivie, de la Colombie. Pas en Italie, ou une jurisprudence administrative formaliste et anachronique continue à considérer comme illégitime l'action en justice d'un citoyen qui n'a pas un intérêt personnel de caractère économique. Pas en Europe, malgré l'existence de la Cour des droits de l'Homme. Et la Cour Pénale Internationale a explicitement exclu de ses compétences les crimes économiques. ». Le droit pénal des états défend les droits économiques, tandis que les multinationales deviennent de plus en plus les 'régulateurs » de l’économie, et non pas les états.
La méthodologie, très rigoureuse, a été exposée par Gianni Tognoni (secrétaire général du Tribunal Permanent des Peuples). Il tient particulièrement à ce que ce soit la même pour toutes les sessions. quelles que soient la zone géographique du monde et les atteintes aux droits concernées (pour les détails méthodologiques, voir par exemple http://www.agirpourlesdesc.org/francais/comment-faire-respecter-les-desc/agir-aupres-des-multinationales/article/le-tribunal-permanent-des-peuples) :
Après saisine par un mouvement (il n'existe aucun critère de recevabilité excepté la représentativité du mouvement et la véracité des faits), se déroule une phase d'investigation (experts bénévoles, témoignages, enquêtes en relation avec les communautés) en accord avec les parties demanderesses. Puis constitution d’un jury de 8 à 12 personnes, dont la moitié juristes de formation, choisies sur une liste de juges établie auprès du secrétariat du Tribunal, qui comprend soixante membres, de trente et une nationalités différentes, avec soin d'une diversité idéologique... Au départ les « accusés » n'étaient pas convoqués, Gianni Tognoni, a expliqué qu’il s’agissait là d’un choix délibéré. Plus tard, invitées, les entreprises ont refusé de répondre aux convocations du Tribunal : jusqu’à présent, il y a eu un seul cas, à Bruxelles, où Nike et Adidas ont payé des avocats pour les représenter, me dira plus tard Luis Moita. Aujourd’hui, les membres permanents sont en train de réfléchir à un système d’avocats commis d’office pour la partie accusée, afin que leurs « arguments » soient entendus.
Le Tribunal statue sur les faits qui lui sont soumis et sur ceux qu’il peut dégager ou mettre en lumière à la suite de ses investigations. Il applique les règles générales et conventionnelles du droit international et en particulier, les principes généralement admis dans les conventions et la pratique internationales relatives aux droits humains et au droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
L'Examen du dossier va durer pour nous jusqu'à octobre. Il y aura déplacement de juges à NDL, pas tous, deux sans doute, j'ai pris sur moi d'évoquer la date du vendredi 11 juillet : Réunion publique au cours de laquelle sont rendues les sentences, prévu pour nous à Turin fon octobre. La diffusion des sentences dans les instances internationales et aux Nations Unies se fait par l’intermédiaire de la Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples (http://base.d-p-h.info/fr/fiches/premierdph/fiche-premierdph-1517.html). Le TPP, par son rattachement à la Fondation Lelio Basso, bénéficie du statut consultatif au Conseil économique et social. Au niveau national, il appartient aux associations citoyennes de se saisir de la sentence rendue pour faire reconnaître leurs droits.
Plusieurs interventions en italien, qui m'ont été (un peu) traduites par chuchotage.
La (brève) intervention faite au nom de Notre Dame des Landes (en français) ne pouvait se perdre dans le récit détaillé d’événements de notre lutte, mais a présenté l'état d'esprit de sa « plainte » auprès du TPP : cohérence et solidarité avec les peuples qui se battent pour leurs terres, contre le réchauffement climatique, contre les GPII... importance d'un mouvement populaire de résistance à NDL, et violations caractérisées des droits à information, consultation, consentement... reconnus par les textes internationaux. Une amie de No-Tav avait traduit en italien l'intervention la veille, et elle a fait défiler sur grand écran les diapos de traduction au fur et à mesure, et la synchronisation a été bonne. Très longs applaudissements en fin pour Notre Dame des Landes. Gianni Tognoni s’était d'ailleurs déplacé pour me saluer, avant même l'ouverture de la séance. Le président de notre session est Franco Ippolito (secrétaire général de la cour de cassation suprême italienne).
Deux interventions ont eu lieu par vidéo, dont celle de Raul Vera, évêque de Saltillo (Mexique). Toutes les interventions en italien) sur http://controsservatoriovalsusa.org/14-marzo
Les GPII associés au mouvement No-Tav étaient, outre Notre Dame des Landes, HS2 (UK), Rosia Montana, MOSE (Italie), MUOS (Italie), Sottoattraversamento AV Firenza (Italie) Centrale solare termodinamica Basilicata.
Changement de décor pour l'après midi, décor moins solennel mais plus émouvant, avec la montée à Bussoleno dans la Val de Suse, là où nous avions vécu le premier forum : c'est une salle ancienne remplie d'habitants de la vallée, dont l'attention et la qualité d'écoute n'ont rien à voir avec l'ennui distingué que nos élus professent dans leurs enceintes en manipulant leur téléphone portable... Barbara Debernardi, maire de Condove, raconte une histoire folle : des maires convoqués un dimanche matin suite à démarche de conciliation découvrent en arrivant, dans la presse, l'affirmation que la réunion a eu lieu le samedi, et que tous les maires ont signé ! Le Controsservatoriovalsusa est d'ailleurs une association du mouvement No-Tav qui s'est créé en opposition à l'Osservatorio Valsusa, copie quasi conforme de notre « commission de dialogue » !
Il faudra revenir sur les témoignages relatifs à la lagune de Venise (projet MOSE) ; au projet d'antennes militaires géantes en Sicile (projet MUOS...)
Et pour nous !
Il est encore possible que des mouvements contre des GPII français s'associent à la plainte, peut-être en particulier les 12 qui ont mené le travail pour la Commission de renouvellement du débat démocratique : il est d'ailleurs impressionnant de voir combien les soucis de transparence, de démocratie... (face à l'enfumage permanent que tous subissent !) se croisent, se répondent...
Il est encore possible que des mouvements contre des GPII français s'associent à la plainte, peut-être en particulier les 12 qui ont mené le travail pour la Commission de renouvellement du débat démocratique : il est d'ailleurs impressionnant de voir combien les soucis de transparence, de démocratie... (face à l'enfumage permanent que tous subissent !) se croisent, se répondent...
Geneviève CG
22 mars 2015
22 mars 2015
Pour sourire un peu : le Tribunal Ruseell, Sartre et... De Gaulle...
voir http://bernat.blog.lemonde.fr/2008/06/10/le-tribunal-russell-et-le-proces-du-11-septembre/
Le Tribunal Russell est né en novembre 1966 à Londres. Il s’agissait de créer un tribunal international contre les crimes de guerre aux Vietnam. La première séance de travail de ce tribunal devait se tenir à Paris le 26 avril 1967. De Gaulle, « publiquement » critique de la politique états-unienne, s’y opposera (parce qu'il ne faut pas nuire aux intérêts économiques de la France. S’en suit une lettre de De Gaulle à Sartre, membre du Tribunal Russell.
Lettre datée du 19 avril 1967.
Aussi bien, n’est-ce ni du droit de réunion, ni de la liberté d’expression qu’il s’agit, mais du devoir, d’autant plus impérieux pour la France qu’elle a, sur le fond, pris le parti que l’on sait, de veiller à ce qu’un État, avec lequel elle est en relations, et qui, malgré toutes les divergences, demeure son ami traditionnel, ne soit pas, sur son territoire, l’objet d’une procédure exorbitante du droit et des usages internationaux. Or, tel paraît être le cas de l’action qu’entreprennent Lord Russell et ses amis, dès lors qu’ils comptent donner une apparence judiciaire à leurs investigations et l’allure d’un verdict à leurs conclusions. Ce n’est pas à vous que j’apprendrai que toute justice, dans son principe comme dans son exécution, n’appartient qu’à l’État. Sans mettre en cause les mobiles qui inspirent Lord Russell et ses amis, il me faut constater qu’ils ne sont investis d’aucun pouvoir, ni chargés d’aucun mandat international, et qu’ils ne sauraient donc accomplir aucun acte de justice.
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